Constantin Bouras: Vers un credo philosophique poétique?
Introduction – Traduction en français par Paraskevi V. Molari
Né dans la ville de Kalamata (Peloponnèse, Grèce), Konstantinos Bouras réside à Athènes, depuis 1977. Ingénieur de métier (Diplômé de l’ École Polytechnique d’ Athènes, 1985), diplômé également – avec distinction – du Département d’ Études Théâtrales de l’ Université d’ Athènes et titulaire de diplôme d’ études post – universitaires en Théâtrologie de l’ Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III), il est, actuellement, doctorant en Théâtre à l’ Université Ionienne (île de Corfou, Grèce, Département de Langues Etrangères, Traduction et Interprétation). Il est l’ auteur de plus de 25 livres (poèmes, théâtre – certaines de ses pièces furent representées en Grèce et à l’ étranger – traduction , essais). Il publie, depuis de longues années, des analyses, études et critiques dans différents journaux et revues athéniens. Outre son écriture, il est professeur de Reiki où il introduit une nouvelle méthode de “Reiki archéologique” sous le titre “Rhureik Abundance” (parue en livre dans les éditions “Momentum” à Athènes).
Les cinq morceaux traduits ici en français pour la première fois, font partie de son recueil de poèmes intitulé “Τρία ΑΛΦΑ, μία HΤΤΑ, ένα ΩΜΕΓΑ” qui est toujours en voie de composition. Ecriture personnelle, oscillant entre vers libre et poème en prose, où Bouras, ressentant sa mission de “poète de son temps”, insère des éléments de son credo philosophique.
Papyrus
Sur les feuillets du papyrus
Se composèrent
Des chefs d’ oeuvre
Des siècles
A propos de la lutte perpetuelle
De l’ Homme
Contre les Ténèbres et la Mort.
Des esprits humains illuminés
Combattent l’ Ignorance
Disposant d’une seule arme,
Le désir de laisser quelque chose
Derrière eux.
Une ligne, d’ habitude,
Une page,
Un extrait de manuscrit.
Hommes,
Être humains misérables
Admirablement infatigables,
Héroïques
Désespérés.
Tels que les abeilles.
Mort
La feuille sèche
Ayant la nostalgie de la flamme.
L’ eucalyptus
Changeant de chemise
A chaque fois que les fourmis
Vadrouillent dans ses veines.
Le corps frissonnant
À la caresse
De l’ amoureux.
L’ escrime
Ne ressemblant point à la tienne
En dépit de tous tes efforts.
La jeunesse
Fuit en courant
Et laissant derrière elle
Une amertume de fraîcheur
Sur le palais.
La mort,
Une pause avant les deux points.
L’île de Circée
Jamais personne ne comprit
Ulysse.
Même pas Pénèlope
Certes Circée non plus.
Son rêve: fuir
À d’autres pays
D’ autres endroits,
Jusqu’ à ce que son coeur
Soit saturé d’ angoisse,
Jusqu’ à ce que le coin de son oeil
Soit inondé de salure.
Or, depuis, c’est le retour à Ithaque
Qui reste proéminent,
Le soin du vieil homme
Par des mains expérimentées
Ayant, depuis longtemps,
Perdu l’ habitude
De changer des couches
Et d’ ensevelir.
Le corps fatigué
D’ Ulysse
Recevra les dernières caresses
Avant de se laisser
À la Terre maternelle
Pour y être allaité
De ses vers
Nourris d’ aliments de bêtes.
Or, jusqu’ à ce moment – là,
Persistance et errance.
Plongée
Alors que les autres se baignent
Aux plages de sable
Entre des grains de pasteque
Et des préservatifs utilisés
Tu te plonges au plus profond de ton être,
Celliers verouillés,
Secrets scellés
Dans les vieux coffres,
Clefs rouillées.
Or, ne jamais rien connaître?
Rentrer dans son corps
Pareils aux ours désespérés
Suivant le soleil
Se lever et se coucher,
Suivant, des fois, la pleine lune
D’ août, non par désir veritable
Decoller, rien que pour la mode,
Car tous font pareil,
Les éclipses du soleil ne nous laissent pas
Indifférents non plus. Elles nous terrifient.
Manger son dîner en plein midi
Et se coucher sur le côté familier.
Se reveiller, peu après,
Prendre son petit dejeuner
Changer de côté, s’étirer,
Volant une heure de sommeil de plus
De notre être, de notre véritable existance,
Qui suffoque et s’ inquiète
Du lendemain, alors qu’ on connaît
Que tout est arrangé:
Le linceul dans le coffre
La date de notre mort.
Son faire – part déjà imprimé.
Nous sommes les seuls à ne pas le savoir,
Nous feignons ne pas nous en souvenir.
Des fois, quelqu’ un se rend fou,
Faisant fléchir par une force surnaturelle
L’acier de nos cellules de fer
Il s’ évade, se lance dans les forêts
Se roule sur la verdure,
Danse avec les dauphins sur l’ écume salée
Parvenant, néanmoins, à survivre
Hors du labyrinthe
De l’ homme habituellement refléchissant.
Pas vu la mer depuis fort longtemps.
Je travaille. Obligations. Empreints. Soucis.
Le soin des autres. Mon être palpite.
Terre secrète de la lumière véritable.
Pleine lune sur la colline d’ Hymette
Dialogue dans une épicerie:
- C’ est la pleine lune ce soir. Ça m’ influence. Je suis Vierge, tu vois.
- Moi, c’ est justement pour cela que ça ne m’ influence pas.
Régler ses comptes, dépoussierer la vieille pendule, démêler des affaires, réviser des conventions, brûler des notes d’ amour, déchirer son himation, percer le canal de Corinthe, avouer de crimes et confesser des pechés non commis, accepter des erreurs des autres dont on a pris conscience, adopter des comportements à la mode, qualifier le non qualifiable, juger pour être jugé, avouer pour ne pas être temoin, s’emprisonner dans une prison privée de soleil qu’ aucun de nous ne mérite d’ y être condamné à vivre, marcher sur la rue tracée, dirait – on, a peine par nos pas, délirer en se taisant et parler sans raison, se séparer des liaisons non reçues et détruire des fleurs jamais semées rien que par l’ angoisse de les voir sécher faute de les arroser, être aux écoutes de musique non composées, rire aux plaisanteries non dites, cracher les coquilles de grains de tournesol imaginés et…
Peindre les cieux par coeur, avoir la nostalgie du Paradis car il existe dans nos cellules, écouter des voix retenties à nos oreilles jadis à une autre vie bien partagée entre lumière et Ténèbres, chuchoter une seule note musicale dans l’ orgue de l’ Univers – que dis – je? – un extrait de note, un quart de seconde dans le gémissement désespéré durant plus de notre vie et…
Viens que je t’ embrasse, donne moi ton corps pour l’ embrasser, aimons – nous pour une dernière fois avant de te morceller, avant…
De te déchirer par nostalgie de l’ éternel. Othelo.
(c’ est en adolescent que j’ écris, c’ est en vieil homme que je parle: le lecteur en tant que critique).