Cinq poèmes de Constantin Bouras traduits en français par Paraskevi Molari
Auteur de plus de 28 livres (poèmes, théâtre – certaines de ses pièces furent représentées en Grèce et à l’étranger- traduction, essais), Constantin Bouras publie, depuis de longues années, des analyses, études et critiques dans différents journaux et revues grecs.
Il y a environ deux mois, nous avions offert au public francophone, cinq poèmes de Bouras tirés de son recueil de poèmes intitulé “Τρία ΑΛΦΑ, μία ΗΤΤΑ, ένα ΩΜΕΓΑ” qui est toujours en voie de composition. Écriture personnelle, oscillant entre vers libre et poème en prose, dans laquelle Bouras, ressentant sa mission de “poète de son temps”, insère des éléments de son credo philosophique. Aujourd’hui, nous traduisons en français encore cinq poèmes tirés du même recueil de poèmes inédits.
- “Partie de jacquet solitaire”
Terrible
D’essayer
De faire match nul
Avec soi même
Sans y parvenir!
Dieu joue aux dés
Avec lui même
Des fois il gagne,
Des fois il perd,
Tantôt distrait,
Perdant son tour
Il s’énerve.
Et détruit tout.
***
- “Grand-maman Angélique”
Elle avait du sang de gitans
Dans ses veines.
Assise sur son trône
Grande Mère Déesse,
Identique
Au soleil et à la pluie,
Observant les époques
Et les caprices des hommes.
Elle n’a jamais médit.
Ni commenté l’actualité.
Elle n’a pas demandé des faveurs,
Mais elle a favorisé tous.
Elle a rendu l’âme allongée sur le ventre.
Par nostalgie du ciel
Son visage s’est rempli de boue.
Elle se connaissait en herbes
Et en art ancien
De guérir
A l’aide du poison de serpent.
Ce bon démon
Ce reptile bonasse
De la maison
Que sa malheureuse fille
À tué.
Dès lors,
Les démons se sont emparés d’elle
Et elle n’a vécu
Aucun bien-être de son vivant
Aucun.
La Nature punit
Lorsqu’on la viole.
***
- “Pluie de boue”
Pluie de boue et instincts
Éparpillés
Fourrés dans un coin
Du cyprière
Là d’où, morts,
On contemplera les étoiles
Croyant
Qu’elles sont au niveau de nos mains.
Le costume couvert de boue
Et la cravate en soie
Mal fichue.
Aucune chance qu’elle en soit sauvée
Au recours à la blanchisserie.
A quoi bon
Tout ce défoulement irraisonné?
Tout s’arrangerait bien
Sans l’irraisonné
La raison, elle aussi
Nous fait ennuyer à mort.
Loi et ordre
Sont souhaitables et désirables
Par des entités supérieures.
Pour nous
L’avalanche des instincts
Est honte et opprobe.
Quand la clepsydre
Se tournera-t-elle à l’envers
Comptant le Temps
Du pied en cap?
***
- “Repentir sans remords”
Nous avons beau demander pardon
Le papillon heurté
Au pare brise du bus
N’accepte ni ne consent au pardon.
Sans remords dans ton repentir
Ouverte à de nouvelles trangressions
Tu te livres au plus ancien des métiers
Cédant au désir des passants
Enclin au hasard
Qui détermine ta vie
Infailliblement.
Que ferait ton repentir
A tous ceux que tu as fait parer
Rodanthe?
Sans remords
Tu roules la pierre de Sisyphe
Dans les vallées de l’Eros.
Préfèrerais-tu
Une mort glorieuse
Que la vieillesse?
S’il s’agit de rendre une âme
Que cela soit vite accompli
Pour en finir.
***
- “Baisers”
Se réjouir
De la joie de l’autre
Tarir son larme
Sous sa douleur.
Dépenser
Et se dépenser
Dans l’attente d’une réponse
A un regard,
A une caresse
A la compréhension de l’absence.
Combien l’amour est-il cruel!
C’est l’amitié que je préfère
Avec la reconnaissance absolue
Des êtres
Qui ont conscience
Du défaut et de la faiblesse.
L’amour se bat
Visant à la Perfection.
Est-ce la raison de sa déception?
Amitié, la cerise coupée en deux
En égal partage.
***